
La Journée internationale de la Femme nous donne l’occasion de faire un état des lieux de la situation des femmes dans l’économie digitale. À date, toutes les études démontrent le formidable levier de croissance que représente l’emploi des femmes sur ce marché et les opportunités que les nouvelles technologies offrent pour développer l’entrepreneuriat féminin. Conscients de ces enjeux et pour lutter contre une inégalité des sexes qui persiste, les instances gouvernementales et organisations mondiales se sont emparées du sujet et développent de nombreuses initiatives pour inverser la tendance.
L’inégalité des sexes persiste
Aujourd’hui encore, que ce soit pour des raisons économiques, d’éducation, de compétence, ou encore de préjugés sexistes et socioculturels, les femmes rencontrent de nombreux obstacles les empêchant de participer à la vie active et de profiter pleinement des opportunités offertes par la numérisation. Une situation qui tend même à s’aggraver, après avoir connu une stabilité entre 2013 et 2017, et qui n’est pas sans conséquence pour l'économie mondiale.
Les principales causes de cette inégalité sont les conditions d’accès à internet et le manque d’intérêt des jeunes femmes pour les filières technologiques. Aujourd’hui, on évalue à 26% l’écart entre les genres en matière d’accès à un smartphone dans le monde même si cet écueil concerne davantage les pays émergents ou en voie de développement. Sur le continent africain, l’écart s’élève à 34%.
Le second facteur d’inégalité, la formation, est dû à une plus faible proportion de filles dans les cursus informatiques et technologiques. Un écart qui génère une pénurie de ressources considérable. Aux États-Unis, on compte à peine 40 000 diplômés en informatique par an, dont seulement 7 000 femmes, pour 500 000 emplois à pourvoir. Dans l’Union européenne ce sont 900 000 emplois qualifiés en TIC qui sont en quête de candidats.
Développer la formation en ligne et féminiser l’éducation au numérique
Le numérique offre une formidable opportunité de développer des outils pédagogiques en ligne pour améliorer, en autres, les compétences numériques des femmes. Le G20, par exemple, a décidé de soutenir des plateformes de formation et de mentorat ; une solution qui permet de combler la faible présence de modèles féminins dans certaines régions du monde et qui initient les femmes au digital. Ces ressources didactiques sont également propices au développement de l’entrepreneuriat féminin.
Concernant la formation académique, le désintérêt des jeunes filles pour les filières STEM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) incite à revoir leur enseignement. Selon Eurostat, plus de 1,3 million de personnes étudiaient dans le domaine des TIC dans l’Union européenne en 2016. Les femmes y étaient très minoritaires, et ne représentaient qu’un étudiant sur 6 (16,7 %).
Aux États-Unis, Accenture suggère qu’un enseignement plus inspirant et plus ciblé pourrait tripler le nombre d’étudiantes et faire passer l’emploi féminin dans le secteur des technologies de 24 à 39 %. Une piste de réflexion d’autant plus intéressante que la transformation numérique est fortement susceptible de promouvoir des emplois qui nécessiteront à la fois intelligence sociale et émotionnelle et des compétences abstraites ou cognitives, davantage plébiscitées par les femmes.
Les femmes dans le digital : un enjeu de croissance
Avec le développement rapide du digital, les emplois se multiplient et le secteur peine à recruter. En étant majoritairement composé d’hommes, le numérique se prive donc à la fois de talents et de croissance économique.
D’après l’OIT, Organisation Internationale du Travail, l’emploi des femmes pourrait faire bondir le PIB mondial et permettrait d'injecter 5 800 milliards de dollars dans l'économie. Dans les pays nordiques, la forte participation des femmes au marché du travail a augmenté la croissance du PIB par habitant de 10 à 20 %, selon une étude de l'OCDE. Une performance confirmée par le cabinet McKinsey pour la France qui avec la parité pourrait voir son PB augmenter de 10 % de PIB d’ici 2025. Sur le seul marché du numérique, l’emploi des femmes augmenterait le PIB de l’Europe de 16 milliards d'euros.
Dans les pays en voie de développement, l’accès au digital est nécessaire pour développer un entrepreneuriat devenu salutaire pour les femmes. Les dirigeantes, tout en réglant des problématiques domestiques, créent de la richesse. Les états bénéficient donc également des retombées économiques de cette dynamique féminine.
Un entrepreneuriat féminin très disparate
Conscients des enjeux et du potentiel économique des femmes entrepreneures, de nombreux gouvernements prennent des mesures destinées à encourager les initiatives féminines. Dans ce contexte, le digital apparaît comme un formidable accélérateur de ce mouvement, et ce à 3 niveaux :
- simplicité : le digital offre des possibilités de développement infinies aux entrepreneurs innovants, quels que soient leur sexe ou leur âge, capables de révolutionner un secteur d’activité
- compétitivité : les qualités reconnues aux femmes dans le monde professionnel, la créativité et l’innovation, capacité relationnelle et intuitivité forte en matière de tendances sont des qualités essentielles dans la création et le développement d’une entreprise du digital
- flexibilité : le digital permet de travailler plus facilement de n’importe où, il facilite au mieux la conciliation entre projet professionnel et vie familiale.
Des mesures aux résultats encourageants, mais très différents selon les pays. Globalement, on distingue deux types de TEA, taux d'activité entrepreneuriale : le TEA dit de nécessité que l’on trouve dans les pays à faible revenu ou le taux d’entrepreneuriat féminin est de 15,1%, avec un écart très faible entre les sexes, et le TEA d’opportunité dans les pays à revenu élevé qui tombe à 8,1% avec un écart significatif entre femmes et hommes.
Les taux de TEA les plus élevés chez les femmes se trouvent en Afrique subsaharienne (21,8%) et en Amérique latine (17,3%). Les taux les plus bas se trouvent en Europe (6%) et dans les régions MENA, Afrique du Nord et Moyen-Orient (9%). Seuls 9 pays affichent une parité hommes femmes : l'Angola, l'Équateur, l’Indonésie, le Kazakhstan, Madagascar, le Panama, le Qatar, la Thaïlande et le Vietnam.
Quand le numérique favorise l’employabilité des femmes dans les pays émergents
Au Pakistan, le taux de participation des femmes au marché du travail est un des plus faibles au monde, avec seulement 25% des femmes de plus de 15 ans qui ont un emploi. Depuis quelques années, les nouvelles technologies transforment progressivement l’emploi féminin.
C’est notamment le cas dans le secteur de la santé. De nombreuses femmes médecins sont encore sous-employées et quittent la vie professionnelle lorsqu’elles se marient. Une situation qui, pour certaines, est à l’origine d’un vrai drame personnel renforcé par le sentiment de perte d’autonomie.
Grâce à l’organisation DoctHERs, une plateforme de télémédecine qui permet d’offrir des consultations aux patients vivant dans des zones reculées, ces femmes ont à nouveau l’occasion de prendre part au marché du travail.
L’économie numérique et le travail à distance favorisent les emplois flexibles et à temps partiels dont peuvent bénéficier les femmes de plus en plus qualifiées. C’est encore plus vrai dans les régions où les contraintes culturelles ne permettent pas de travailler en dehors de la maison.
Sources :
- L'étude de la Commission européenne « Les femmes à l'ère numérique » (2018)
- Accenture « Girls Who Code » 2016
- L’European Ecommerce Report 2019
- Entrepreneurship Study pour Women in Africa
- Rapport 2019 de l’European Platform of Women Scientists EPWS