
Malgré un léger recul de la consommation des ménages, en lien direct avec les conséquences de la guerre en Ukraine et l’inflation qui sévit partout dans le monde, le secteur de la logistique revoit ses modèles et poursuit ses investissements en vue de faire face à une forte augmentation des livraisons à domicile d’ici à 2030. Tour d’horizon de ce qui se prépare.
Une augmentation des frais de livraison inévitable
La reprise post-Covid a engendré de véritables embouteillages dans le transport, avant même que la guerre en Ukraine et les nouvelles fermetures d’usines en Chine occasionnent des ruptures de stocks sans précédent. Une situation encore aggravée par l’augmentation des matières premières et des carburants. Il n’est donc pas surprenant que ces bouleversements impactent considérablement les conditions de livraison, y compris locales, et soient à l’origine d’une envolée des prix : + 4,9% pour DHL en France au 1er janvier, + 2,8% pour UPS, + 3% pour Colissimo.
Une conjoncture qui affecte directement les sites de vente en ligne. Certains commerçants ont, dans un premier temps, tenté de revoir leurs modes d’expédition : simplification et réduction des emballages. Mais face aux taux d’inflation qui continuent à grimper, ils n’ont d’autres choix que de répercuter ces hausses, à l’instar d’Amazon.
Le géant mondial du e-commerce a en effet annoncé qu’il appliquera dès le 12 mai 2022 un « supplément carburant et inflation » de 4,3% aux marchands dont il gère la logistique au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Italie et en Espagne. En France, cela se traduira aussi par une augmentation moyenne des tarifs d'expédition de 0,20 euro par unité à la charge des clients.
Les dark stores, l’enjeu de la proximité et de la rapidité
Que sont les dark stores ? Lancés aux États-Unis par « Gopuff », les dark stores ont commencé à prendre de l’ampleur en Europe avec la crise sanitaire. Les dark stores désignent des entrepôts logistiques de petite taille situés en centre-ville qui opèrent sur une zone restreinte, environ 1 à 2 kilomètres. Dans ces supermarchés fantômes, on trouve notamment des produits alimentaires et d’entretien.
Le concept de dark stores est de nos jours popularisé par des acteurs comme Kol, GoPuff, Cajoo et Gorillas. Face à l’augmentation des frais de livraison, à la pollution qui sévit dans les grandes agglomérations et aux embouteillages, cette nouvelle supply chain, plus agile et réactive, présente de nombreux avantages.
- Une livraison au consommateur rapide, en moins d’une heure, assurée par une flotte de livreurs, les « pickeurs », en grande partie à vélos, permettant ainsi de limiter les coûts.
- Des opérations de picking plus efficaces grâce à une gestion automatisée.
- Des horaires plus flexibles puisque ces entrepôts ne sont pas contraints aux horaires commerciaux.
Un succès qui repose toutefois sur un maillage urbain suffisant pour couvrir l’ensemble du territoire et qui explique la politique d’expansion agressive de ces startups, soutenues par les investisseurs. On estime ainsi à près de 1,56 milliard de dollars les levées de fonds opérées à la mi-mai 2021 par les prestataires européens spécialisés dans la livraison alimentaire (+ 127 % par rapport à 2020).
La Poste se prépare à livrer 1 milliard de colis par an d’ici 2030
Partout en Europe, les leaders du transport et de la logistique s’apprêtent à faire face à une très forte croissance du nombre de colis à gérer.
En France, La Poste qui a déjà investi 450 millions d'euros en 2018, va renouveler ses efforts, sur la base d’un montant similaire, pour la période 2022-2026 pour permettre à sa filiale Colissimo d’être en mesure de trier et de livrer un milliard de colis par an d'ici 2030. Une estimation qui s’appuie sur les chiffres des années passées : 471 millions de colis en 2020 (+ 28% par rapport à 2019) et la barre des 500 millions franchie en 2021.
Ces investissements seront consacrés à la construction de cinq nouvelles plateformes logistiques et à la modernisation de certains sites de distribution pour satisfaire le nouveau standard de livraison et garantir 90% du territoire en un jour.
Car pour La Poste, la rapidité est également un enjeu stratégique face à la montée en puissance du e-commerce dans son modèle économique.
La livraison durable, un objectif partagé
Les enjeux climatiques qui impactent toutes nos sociétés concernent aussi la logistique faisant de la livraison durable un nouvel argument concurrentiel.
Les emballages sont au centre de l’attention d’autant que c’est une pollution visible. Rien qu’en France, on estimait à 1,5 milliard le nombre de colis distribués ou exportés en 2020. Un chiffre en constante augmentation qui a motivé 15 acteurs majeurs de l’e-commerce à s’engager. Ainsi, Cdiscount, Ebay, Fnac-Darty, La Redoute, Lentillesmoinscheres.com, Maison du Monde, Millet Mountain Group, Otelo, Rakuten, Rosa, Sarenza, Showroomprive.com, SOS Accessoire et Veepee, soutenus par la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), ont signé l’an passé une charte visant à réduire leur impact sur l'environnement.
Concrètement, ces entreprises ont décidé de conduire des actions de réduction du volume des emballages de livraison pour au moins 75% des produits ou des colis d'ici au 31 décembre 2024 et de privilégier des emballages en matières principales recyclées, recyclables ou réutilisables.
Pour sa part, Amazon, qui n’est pas signataire de la charte, a également annoncé une série de mesures. Le géant a indiqué renoncer aux emballages d'expédition en plastique, dorénavant remplacés par des sacs en papier ou des enveloppes en carton, et augmenter le nombre de produits qui peuvent être expédiés dans leur emballage d'origine.
La livraison durable, ou livraison verte, se traduit aussi par l’adoption d’une flotte de véhicules propres, fonctionnant à l’électricité ou au gaz naturel, et des vélos. En France, encore La Poste, s’est fixé comme objectif 1/4 de ses liaisons nationales via des véhicules roulant au gaz naturel d'ici à 2025, et la moitié des trajets du dernier kilomètre en véhicules électriques d'ici 2023.
Des tendances qui visent à satisfaire un consommateur toujours plus exigeant et attentif à la qualité de service. Ainsi, la flexibilité qui impacte toute la société s’applique aussi aux modes de livraison. Avec le développement du télétravail, le consommateur formule dorénavant le souhait que les colis le suivent là où il se trouve. D’après une étude menée par SendCloud, environ 75 % des clients considèrent la flexibilité comme une option de livraison majeure et 63 % désirent pouvoir modifier le créneau de livraison alors que leur commande est déjà en cours de route.